Tous propriétaires…
Chacun se souvient du slogan de campagne du Président de la République stigmatisant l’effort public et solidaire de l’Etat et des collectivités territoriales pour un droit élémentaire, le droit au logement pour tous, en s’alignant misérablement sur un courant politique néo conservateur totalement discrédité aux USA.
Lui l’a dit, mais le pays le plus puissant et le plus riche de la planète l’a fait… Des commerciaux affûtés et convaincants ont incité des Américains pauvres à devenir, par l’endettement et des prêts à taux variables, propriétaires de leurs logements. Faire de l’argent sur des publics difficilement solvables, quelle idée géniale…
Bien entendu il y avait pour les banques prêteuses un problème de garanties, le niveau des prix immobiliers ayant atteint des proportions abyssales. Mais il fallait à tout prix conforter l’inflation immobilière qui, paraît-il, tire la croissance économique par l’effet richesse qu’elle génère, et les garanties d’emprunts hypothécaires que permet cette même inflation immobilière pour maintenir la consommation.
Comment faire pour garantir ces emprunts à une population déjà endettée et potentiellement insolvable ? En transformant ces dettes en titres vendus sur les marchés financiers du monde entier, et en particulier les banques. Le Crédit Agricole, en France, la Société Générale, Natixis ont eu là une opportunité de profits financiers supplémentaires. —Mais aussi des collectivités norvégiennes ont acheté ces titres pour gérer de façon optimale leurs excédents financiers ou leurs fonds de roulements—.
Transformer des dettes plus que hasardeuses en titres, il fallait oser le faire. Mais dans le grand casino financier mondial qui surplombe l’économie réelle et qui pille le travail humain, les idées les plus évidemment stupides pour le commun des mortels deviennent des produits financiers performants gérés par des traders de haut niveau dans un monde où la libre circulation du capital est la règle pour mieux soutenir une spéculation légitimée à tous les niveaux.
Lorsque les ménages pauvres américains ont vu, au bout de deux ans, le taux de leur crédit augmenter et sont devenus effectivement insolvables, la valeur des titres subprime vendus aux quatre coins du monde s’est effondrée, générant des pertes abyssales des institutions financières, une intervention massive des banques centrales pour régler les questions de liquidités, voire, comme en Angleterre pour Northern Rock, une intervention de l’Etat pour sauver une banque en faillite en la nationalisant, chose qui semblait impensable dans un pays voué à la tyrannie du libéralisme financier.
La crise systémique se propage d’un bout à l’autre de la planète ; les risques de restrictions de crédit pour les opérations économiques classiques sont réelles. Déjà les prêts immobiliers deviennent plus difficiles à obtenir, et un effet domino peut mettre à bas le château de cartes financier avec des conséquences économiques et sociales catastrophiques pour les salaires, les retraités, les jeunes, les budgets sociaux des Etats.
On sait aujourd’hui que les grandes sociétés d’assurances garantissant les crédits bancaires (les rehausseurs de crédit) sont dans la tourmente et menacés de faillite.
Le système monétaire et financier mondial semble au bout du rouleau. Le syndrome de 1929 est pris au sérieux par nombre d’analystes. La paupérisation des populations paraît irréversible. Le travail et la production physique sont, partout, menacés. L’inflation spéculative touche des domaines vitaux : la nourriture, l’énergie, le logement, la santé… Mais nos dirigeants amusent le peuple avec des sujets subalternes et pitoyables comme la carla-mania ; lui refusent son expression en ratifiant en catimini un traité européen qui conforte un libéralisme moribond et un libre échangisme destructeur ; défont hypocritement les systèmes de solidarité qui fondent notre vie sociale pour le pire : la lutte de tous contre tous.
Alors, face à la mise en œuvre cohérente et déterminée au niveau mondial, européen et français de la politique du pire, celle qui cherche à adapter à marche forcée le monde, l’Europe et la France à la mondialisation financière et ses conséquences, agissons solidairement. Dénonçons le pouvoir oligarchique, l’inégalité, le recul de civilisation, le développement des rentes au détriment du travail. Défendons ce qui fait l’essence d’une vie sociale humaine : la solidarité. En France cela veut dire défendre le logement social et son financement, défendre la retraite par répartition, défendre la sécurité sociale, défendre la dépense publique contre les prédateurs financiers et, bien sûr, les services publics qui sont les outils de la mise en œuvre du principe d’égalité encore inscrit —jusqu’à quand ?— sur les frontons de nos mairies.
Michel de Chanterac